La Quête des Origines - Back to 640 !!!

Episode 2 - Un mariage et un enterrement (2)

 

Récit de Childebert Argenvrai, écrit en netherese
Semaine du 22 au 29, mois de Kythorn, 639 DR, Lhesper, le Shaar méridional, Faerun.

Deuxième Âge de ce monde.

La semaine des festivités précédant le mariage d'Agathe et du fils Martell et frère aîné d'Aryon, se déroula de la manière suivante : chaque jour, une manifestation était organisée et chaque soir une des grandes familles de l'Empire recevait la cour, ainsi que les ambassadeurs de nations étrangères. Un ou plusieurs de mes compagnons participèrent aux différentes épreuves : concours de tir à l'arc, concours de dressage, concours d'art lyrique et de poésie, tournoi de chevalerie, etc. Ils s'y illustrèrent et, pour certains (Aryon, Ténaris), acquirent une certaine notoriété auprès des dames de la cour. Mal à l'aise dans ses ambiances fastueuses et très affectées, je cherchai tout au contraire à passer inaperçu, me contentant de prendre des notes pour mes chroniques. Mais Enguerrand ne l'entendait de cette oreille : de toute évidence résolu à me faire sortir de mon isolement et de mon humeur contemplative, il ne perdit jamais une occasion de me présenter à (ou de me faire interagir avec) des personnages influents, ministres ou autres.

Dans l'ombre du jeune et lumineux Shieldheart, je scrutai et analysai le comportement de mes adversaires futurs : Gulthias, son frère, Syllion et leur ami, Cassandre de Ménalk. La cour s'honorait de la présence de l'Empereur, qui, fidèle à sa réputation, ne se montrait jamais sans un masque cachant intégralement son visage. Vêtu d'atours somptueux, aux élégantes broderies incrustées de pierres précieuses, l'Empereur se tenait le plus souvent éloigné de sa cour, immobile, solennel. Cette distance et cette économie de gestes étaient évidemment calculées. Comment ne pas se remémorer les sages paroles du Philosophe [Machiavel, Le Prince, XVI] :

"Le Prince ne doit pas croire ni agir à la légère, mais procéder d'une manière modérée, avec sagesse et humanité, de peur que trop de confiance ne le fasse imprudent et trop de défiance ne le rende insupportable. Là-dessus naît une dispute, s'il est meilleur d'être aimé que craint, ou l'inverse. Je réponds qu'il faut être et l'un et l'autre ; mais comme il est bien difficile de les marier ensemble, il est beaucoup plus sûr de se faire craindre qu'aimer, s'il faut qu'il y ait seulement l'un des deux. Car on peut dire généralement une chose de tous les hommes : qu'ils sont ingrats, changeants, dissimulés, ennemis du danger, avides de gagner ; tant que tu leur fais du bien, ils sont tous à toi, ils t'offrent leur sang, leurs biens, leur vie et leurs enfants, quand le besoin est futur ; mais quand il se rapproche, ils se dérobent. Et le prince qui s'est fondé sur leurs paroles, se trouve tout nu d'autres préparatifs, il est perdu ; car les amitiés qui s'acquièrent avec argent et non par coeur noble et hautain, on mérite bien d'en éprouver l'effet, mais on ne les a pas, et dans le besoin, on ne peut les employer ; les hommes hésitent moins à nuire à un homme qui se fait aimer qu'à un autre qui se fait redouter ; car l'amour les maintient par un lien d'obligation lequel parce que les hommes sont méchants, là où l'occasion s'offrira de profit particulier, il est rompu ; mais la crainte se maintient par une peur du châtiment qui ne te quitte jamais. Néanmoins le prince se doit faire craindre en sorte que, s'il n'acquiert point l'amitié, pour le moins, il fuit l'inimitié ; car il peut très bien avoir tous les deux ensemble, d'être craint et de n'être point haï ; ce qui adviendra toujours s'il s'abstient de prendre les biens et les richesses de ses citoyens et sujets et leurs femmes ; et quand même il serait forcé de procéder contre le sang de quelqu'un, il doit ne le faire point sans justification convenable ni cause manifeste ; mais sur toutes choses, s'abstenir du bien d'autrui car les hommes oublient plus tôt la mort de leur père que la perte de leur patrimoine."

Avec une habileté et une intelligence manifestes, Gulthias était parvenu à s'entourer d'une aura de mystère qui inquiétait ses sujets et leur inspirait de la crainte et du respect. Mais il savait aussi (il le prouva tous les jours de cette semaine) leur prodiguer attention et richesses, les conforter dans leur oppulence, et les valoriser en les associant aux plus hautes responsabilités dans la gestion des affaires de l'Empire, pour peu qu'il fût assuré de leur allégeance, voire de leur dévouement. sincère. J'observai qu'il ne semblait jamais à court de mots aimables et de compliments à destination des membres les plus influents des familles impériales, mots qu'il distribuait néanmoins avec parcimonie, tant il était conscient que leur rareté faisait leur valeur. Et je notai au passage avec amusement que mon jeune maître Enguerrand avait appris à bonne école...

Le septième jour : le jour du mariage, à midi, au temple d'Arshadalon. Les nobles étaient placés au premier rang, autour de l'Empereur, tandis que le petit peuple s'entassait dans le fond de la nef. Vibrant de fanatisme, Ménalk fit d'abord l'éloge de la toute puissance d'Arshadalon et de la splendeur de l'Empire. [Apocalypse, XII, 3-4 et XIII, 3]

"Et voici, c'était un grand dragon rouge, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes.
Sa queue entraînait le tiers des étoiles du ciel et les jetait sur la terre. (...)
Le dragon lui donna sa puissance, et son trône, et une grande autorité. (...)
Et toute la terre était en admiration devant la bête."

Sept... un chiffre hautement symbolique. Sept comme les sept cités de l'Empire... Mais les dix cornes ? A quoi ce nombre pouvait-il faire référence ? La réponse s'imposa à mon esprit : les dix cornes représentaient les dix empereurs de la dynastie Angarath qui s'étaient élevés dans ce royaume. Lorsqu'il conclut enfin son prêche enflammé, ce fut pour reprendre le cours plus apaisé d'une cérémonie de mariage et rappeler les paroles de l'Apôtre [I Corinthiens, VII, 1-11] :

"Que chacun ait sa femme, et que chaque femme ait son mari.
Que le mari rende à sa femme ce qu'il lui doit et que la femme agisse de même envers son mari.
La femme n'a pas autorité sur son propre corps, mais c'est le mari ;
Et pareillement, le mari n'a pas autorité sur son propre corps, mais c'est la femme.
Ne vous privez point l'un de l'autre, si ce n'est d'un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière ;
Puis retournez ensemble, de peur que l'Esprit du Mal ne vous tente par votre incontinence."

Marquant une pause, Ménalk toisa l'assistance, son regard s'attarda un court instant sur le ministre de la justice que je vis détourner les yeux. Puis il reprit.

"A ceux qui sont mariés, j'ordonne, non pas moi, mais le Seigneur, que la femme ne se sépare pas de son mari (si elle est séparée, qu'elle demeure sans se marier ou qu'elle se réconcilie avec son mari) et que le mari ne répudie pas sa femme."

Fixant Agathe, menaçant [Proverbes, XII, 4]

"Une femme vertueuse est la couronne de son mari.
Mais celle qui fait honte est comme la carie dans ses os."

Fixant Martell, sur un ton plus doux [Proverbes, XXXI, 10-12]

"Qui peut trouver une femme vertueuse ?
Elle a bien plus de valeur que les perles.
Le coeur de son mari a confiance en elle.
Et les produits ne lui feront pas défaut.
Elle lui fait du bien et non du mal, tous les jours de sa vie."

Le huitième jour (30 Kythorn), peu avant l'aube, je fus réveillé en sursaut par Enguerrand. Avare de paroles, mais visiblement profondément chagriné, il me fit signe de le suivre. Je m'habillai à la hâte et retrouvai Ténaris. Enguerrand nous apprit la terrible nouvelle. Au matin, on venait de retrouver Agathe sans vie. Elle était tombée du haut du balcon de la chambre nuptiale dans la résidence des Martell. Le corps avait été emporté. La version d'Oberyn Martell était la suivante : Raigner d'Abencourt avait fait irruption dans la chambre tel un fou, un combat avait suivi entre les deux hommes les emmenant sur le balcon, l'accident était survenu alors qu'Agathe avait tenté de s'interposer, Raigner avait alors assommé Oberyn et avait fui.

J'entendis Ténaris, tout près de moi, égréner dans un murmure les strophes affligées du Poète [Baudelaire, les Fleurs du Mal, Une Martyre (extrait)] :

"Elle est bien jeune encore ! son âme exaspérée
Et ses sens par l'ennui mordus
s'étaient-ils entr'ouverts à la meute altérée
Des désirs errants et perdus ?"

Les larmes, roulant sur les joues du jeune guerrier bouleversé, se perdaient dans sa barbe hirsute. Maudissant mes yeux d'être aussi secs, je dus me rendre à l'évidence : après toutes les épreuves que j'avais subies, la mort ne m'émouvait plus.

Je conclus ce chapitre par quelques remarques importantes. Au cours de cette semaine auront été très largement confirmées l'habileté et la sensibilité de Ténaris, l'adresse et la force d'âme d'Aryon, ainsi que la finesse et les aptitudes diplomatiques d'Enguerrand. De tels alliés, aux talents si complémentaires, vont s'avérer fort précieux pour la suite de ma mission. La constante réserve et la sobriété de Syllion, quelque puissant et martial qu'il soit, ne laissent pas de me surprendre et de m'inquiéter. Difficile de déchiffrer les pensées de cet homme, que je crois bien plus dangereux que Ménalk. Tout au contraire en effet, le style emphatique et le fanatisme affiché du ministre des cultes et premier des prêtres de l'Eglise d'Arshadalon contribuent à le rendre prévisible. Point décevant et ennuyeux : pas d'aide à espérer du côté du clergé de Savras, un triste constat qu'il convient d'intégrer dans mes cogitations futures.

Les prochaines tâches à accomplir au cours du mois de Flammerige seront aussi nombreuses que diverses. J'en liste quelques unes.
¤ En bibliothèque : se renseigner sur la légende du Chateau d'Al-Anhar, continuer à étudier l'épée (avec l'aide des prêtres oghmites ou de Sénoj).
¤ Hors les murs : se rendre dans les prochains jours auprès du Hiérophante officiant dans la forêt qui borde Rethmar, commencer à préparer l'expédition au Val brumeux dans l'espoir de rencontrer Dydd. Gagner la confiance des nains dorés du Grand Rift, s'en faire des alliés pour la suite.
¤ A Lhesper : approfondir l'enquête sur Monroe auprès du clergé de Jergal. Acheter les services de Sénoj (qu'il prépare les trois expéditions : Val brumeux, Cité des Crocs de Métal et Halruaa). Et bien entendu... enquêter sur la mort soudaine d'Agathe.
¤ Etudier avec soin l'offre de la matriarche Maerildarraine, se rapprocher le cas échéant de cette famille, envisager une visite à la Cité de Safran...

  


 

Récit d’Enguerrand Shieldheart

 

D’abancourt. Rainier d’Abancourt s’est introduit dans la chambre nuptiale de feu Agathe et Oberyn. J’examine avec discrétion chaque recoin de la luxueuse pièce de l’ambassade Martell. Les draps froissés – et non tachés-, les preuves de lutte… et le balcon d’où est tombé ma soeur en s’interposant entre son mari et son amant éconduit.
Qu’on me regarde ou non, je donne le spectacle qui convient à la situation : le déni du drame, les mains agrippants la rembarde, les yeux perdus dans le vide.
J’ai tellement pris l’habitude de rester maitre de mes émotions que j’ai l’impression de ne rien ressentir. Pourtant, l’absence définitive de ma jeune sœur me laissera un vide indéniable. Le moment n’est pas aux atermoiements, le hasard ou la malchance n’ont sans doute rien à voir dans la mort d’Agathe.

 

« On a nous a rapporté que le fugitif avait passé la porte sud. Viendras-tu à sa poursuite ? »

J’acquiesce à Théodore d’un signe de tête.

Une fois dehors, alors que mon fidèle Klaus m’aide à monter à cheval, je lui désigne subrepticement quelques fenêtres des maisonnées avoisinantes que j’ai repéré depuis les hauteurs du balcon.

« Attends que nous soyons partis. Interroges les riverains, quelqu’un à du voir ou entendre quelque chose. Paies-les, secoues-les s’il le faut. Si tu n’as rien trouvé, écumes les bars et rapportes-moi les ragotages. »

Revenu à l’ambassade Shieldheart, je réveille personnellement Chaka pour qu’il se joignent à la chasse. Son cerveau fertile, alors qu’il est encore vaseux, enclenche une série de questions. J’y coupe court en lui disant que oui, quelque chose cloche et que j’attends de lui qu’il ouvre grand les yeux pour discerner le vrai du faux.

Quelques soldats nous accompagnent et Oberyn est rejoint par Aryon qui prend le temps de nous témoigner, à Théodore et moi, son soutien et son affection. Ténaris vient également à ma demande car ses talents de pistage sont avérés.

Malheureusement, dans l’agitation du départ, Théodore intercepte l’évocation des liens « privilégiés » qu’entretenait Agathe avec Rainier et me promet un conciliabule des plus tendus sur ce sujet. Le provoquant un peu, je ne concède aucun terrain devant sa sourde colère. En cet instant, il me fait penser à notre père, cherchant un bouc émissaire à ses propres faiblesses et manquements. C’est oublier que depuis le décès de notre mère, j’ai refusé d’être un souffre-douleur bien docile.

La poursuite nous emmène aux abords du lac. Aryon et deux hommes remontent le cours d’un affluent, prêtant au fugitif une manœuvre rusée pour semer ses poursuivants. Je n’y crois pas un instant, si Rainier était intelligent, il n’aurait pas fait irruption de façon si stupide cette nuit. Quand à fuir, il eut mieux valu faire galoper à sa place quelconque fidèle serviteur vêtu de ses frusques.

La suite me donne raison, nous retrouvons le fugitif, exténué et harassé, qui est rapidement encerclé.

Oberyn rosse un Rainier bafouillant quelques excuses confuses qui semblent confirmer son rôle dans le drame ou tout du moins, sa présence. J’entends Théodore chuchoter à Oberyn, comme pour abonder un jugement expéditif. Celui-ci a déjà sorti son épée du fourreau.

Durant la chevauchée, nous avions pu avec Chaka et Ténaris évoquer la troublante vraisemblance des évènements décrits. De fait, l’homme des steppes se tient prêt à agir pour empêcher une exécution sommaire.

J’entrevois les champs du possible : Oberyn levant son épée, Ténaris s’interposant. Rainier survit pour le moment. Mais ensuite, il sera placé dans des cachots, nous n’aurons pas accès à lui. On retrouvera Rainier « suicidé ». Nous n’y croyons pas bien sur, le mystère restera entier, les preuves que l’on nous cache disparaissent davantage. Nous cherchons inlassablement, nos investigations « dérangent » avec le risque qu’un de nous soit pris pour cible. En marge de cela, il est publiquement reproché à Ténaris son ingérence. Nous sommes séparés les uns des autres, ce qui complique davantage notre tâche oh combien ardu de prévenir la menace qui pèse sur le royaume…

« Non ! »

J’ai dégainé ma rapière face au bourreau. Elle fait pâle figure devant la large lame d’acier dans les mains d’Oberyn.

Théodore m’interpelle, il craint pour moi. Ténaris voit en moi un renfort pour sauver le fils d’Abancourt, pâle reflet de lui-même. Il pourrait faire pitié. Il pourrait.

Un filet de sang s’écoule de la bouche de Rainier d’Abancourt. Tel la flèche de la divinité de l’Amour Véritable, la pointe de mon épée d’escrime à transpercer son cœur.

Chacun reste sans voix et stupéfait. Seul Ténaris a compris au dernier instant que j’allais contre toute attente tuer Rainier mais n’a pas été assez rapide. Il me regarde effaré.

Délogeant ma rapière en poussant le corps du pied, je me fends d’une grimace de dégout et d’un crachat.

La surprise générale passée, Chaka exprime ouvertement sa désapprobation eu égard à la justice du royaume. J’entends Théodore et Chaka lui intimer de rester à sa « place » tandis que je m’éloigne un peu en leur tournant le dos pour appuyer subrepticement mon palais avec le pouce afin de me faire vomir un peu.

En repartant, Théodore à un geste d’affection maladroit pour moi. Oberyn me témoigne d’une accolade sincère et par quelques mots une considération qu’il n’imaginait avoir pour moi un jour. J’acquiesce d’un regard soutenu en ajoutant que « personne ne peut s’en prendre à nos familles impunément. »

Ma voix est convaincue… mais je pense le contraire. Qu’importe, pour l’instant, il ne sert à rien de montrer notre suspicion concernant le déroulement de la sinistre scène qui a couté la vie d’Agathe. Obéryn qui a été capable de vaincre Théodore en tournoi pouvait-il vraiment se faire tenir en respect par un Rainier fou de chagrin ? Que s’est passé dans le laps de temps ou Obéryn a été sonné par un mauvais coup à la tête ? Pourquoi Agathe Shieldheart devait-elle périr ?

Il me sera plus facile de passer outre les mensonges qui entourent chacun de nos pas en donnant l’image d’un frère meurtri dans sa chair et soumis à un accès de colère par vengeance.

J’entrevois des regards gênés entre Théodore et Obéryn, comme s’il y’avait autre chose que l’image d’Agathe dans leur esprit. Il faudra que je découvre ce qu’ils me cachent…
Le fils Martell est ferré, au prix de la vie écourtée de Rainier, dont le corps git en travers d’un cheval pour être ramené à Lhesper.

Nous retrouvons plus tard Aryon qui apprend ce qui s’est passé. Pour faire taire Chaka dont je redoutes les sorties hasardeuses en présence d’un auditoire, rassurer Aryon sur mon sang-froid mais aussi pour prévenir un départ de Ténaris pour qui chaque vie humaine a de la valeur, je suis contraint de leur expliquer en privé les raisons de mon geste. D’abord perplexe, ils conviennent que le sort de Rainier était effectivement déjà scellé…
Quand à Chaka, je pense qu’en vérité, il se moque d’un mort de plus ou moins et avait plutôt plein de questions à poser à Rainier. Je pense de plus en plus qu’il veut garder le contrôle sur nos réactions et attend que chacune de nos décisions lui soit soumise. Ses mots deviennent cassants et ses commentaires sur le corps inanimé d’Agathe revêtent une froideur très déplacée.

Que sais-je vraiment de lui ? Est-il un problème? Est-il le problème, l’origine de tous nos maux, un corbeau de mauvaise augure? L’espace d’un instant, je me vois faire disparaître son arrogant sourire d’un coup d’estoc qu’il n’aura même pas le temps de voir venir. Mais en lieu et place, je lui réponds d’un sourire amer que je lui prédis un « avenir radieux ».

En m’éloignant, impassible, je regarde ma main et me fustige de la voir trembler.

Agathe, je suis désolé…

 


 

 

Récit de Childebert Argenvrai, écrit en netherese

Trentième jour du mois de Kythorn, 639 DR, Lhesper, le Shaar méridional, Faerun.

Deuxième Âge de ce monde.

Chasse à l'homme ! Honni soit le traitre ! A bas l'assassin ! Sus au meurtrier ! Le jeune aristocrate Raigner d'Abencourt était en fuite. Son inexpérience des situations stressantes et son désarroi expliquaient probablement son absence de prudence. Il aurait pu se fondre dans la cité et disparaitre le temps que les choses se tassassent. Mais il préféra enfourcher un cheval et gagner la porte sud en pleine nuit. Compte tenu de son rang, les gardes ne le questionnèrent pas.

Oberyn Martell et Théodore Shieldheart prirent les choses en main. Ils réunirent une dizaine de cavaliers, dont Enguerrand, Aryon, Ténaris et moi-même. Le temps pressait : nous avions au moins quatre ou cinq heures de retard sur le fuyard. Nous empruntâmes la porte sud à notre tour et nous lançames dans les plaines en direction du lac Lhespen. La piste étant fraiche, Ténaris n'avait aucun mal à la suivre, à la lumière de nos torches, sans même mettre le pied à terre. Les choses se corsèrent lorsque nous arrivâmes aux abords du lac. Là, alors que le ciel s'illumait à l'est tel un camaïeu de teintes rosées et rougeâtres, nous croisâmes un petit groupe de pêcheurs. L'un d'entre eux tenait par la bride un cheval sellé, trempé de sueur. Il avait vendu sa barque à un nobliau, sans trop se poser de questions, assuré qu'il était d'avoir conclu une fort belle affaire. Il décrivit un homme empressé et très agité. Les pêcheurs rentraient au village lorsque la transaction fut faite, ils n'avaient donc pas pu voir où l'homme s'était dirigé par la suite. Raigner avait pu naviguer vers le nord, hypothèse la moins probable, mais qu'Aryon jugeait la plus pertinente, ou vers le sud. Le groupe se divisa : Aryon et deux hommes partirent au nord, le reste du groupe au sud. Longeant le lac, nous ne tardâmes pas à retrouver Raigner qui épuisé, ne s'était guère éloigné des berges, et avait fini par accoster et continuer sa fuite éperdue sur la terre ferme. Quelle étrange et sotte décision. Nous galopâmes vers lui. Raigner se retourna. Lorsque nous fûmes à sa hauteur, il tituba, nous offrant le triste spectacle d'un homme désemparé, ne sachant plus à quelle Puissance se vouer. Oberyn et Théodore mirent pied à terre promptement. Oberyn s'avança, la fureur dans ses yeux n'augurait rien de bon. Ténaris s'était raidi, la main posée sur la poigne de son épée. Ayron était visiblement tendu. Enguerrand ne perdait pas une miette de la scène, étudiant les moindres réactions de son frère, de son cousin, et de son beau-frère. Ne pouvant plus contenir sa rage, Oberyn administra à Raigner un terrible coup de poing, qui fit reculer ce dernier de quelques pas. L'homme larmoyait, bredouillant des propos incohérents. Je pressentais le pire et le pire se produisit en effet. Oberyn et Théodore échangèrent quelques mots en aparté, un dernier regard sombre et déterminé et je compris, comme les autres, que Raigner ne devait pas en réchapper, qu'il devait payer. Théodore tourna le dos au fugitif et remonta à cheval, tandis qu'Oberyn tirait son épée. En un instant, Enguerrand mit pied à terre et tenta de le dissuader de tuer son cousin. Peine perdue. Ténaris avait également mis pied à terre, lui aussi avait tiré son épée. Le connaissant, je me doutais qu'il allait chercher à s'interposer... Oberyn leva son arme, Ténaris hurla, se précipitant en avant, Raigner recula effaré, mais ce fut finalement la lame de la rapière d'Enguerrand qui transperça sa poitrine. Un filet de sang sur les lèvres, il s'effondra, avec sur le visage une expression d'étonnement mêlé d'effroi. Enguerrand était si rapide quand il le voulait qu'il avait surpris tout le monde. Vif comme l'éclair, il avait frappé au coeur sans hésiter une seconde. Il retira sa rapière du cadavre de son cousin et essuya la lame. Sur le moment, il ne prit pas la peine de justifier son acte, se contentant de lâcher une phrase du genre : "une vie pour une vie" sur un ton plutôt sinistre. Ainsi, justice avait été rendue parmi les nobles. La version officielle était que Raigner avait refusé de se rendre, cherché à se battre, et finalement été tué. Par qui ? On ne le préciserait point. En réalité, le pauvre bougre avait été exécuté froidement, et avec lui, disparaissait un témoignage majeur sur l'incident survenu dans la nuit. Lequel semblait cacher quelque chose de fort nauséabond...

Les décès d'Agathe et de Raigner me sont tout d'abord apparus comme de simples détails de l'histoire, des événements certes regrettables, méritant une enquête, mais somme toute insignifiants dans la trame générale. A la réflexion, ne devrais-je pas analyser avec soin les relations entre les détails ? Ne suis-je pas là pour ça ? Monroe, quant à lui, a bel et bien été assassiné. Et de cela au moins, nous sommes certains. Lui avait un rôle à jouer : il nous ramène droit vers l'empereur, Arshadalon et l'épée.



21/04/2012
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 12 autres membres