Le soleil pontait déjà fort vers l'ouest dardant une lumière aux couleurs chaudes sur les toits des dernières maisons et fermettes éparses encerclant Shanagate.
Rare étaient ceux, si proche des heures de la nuit, quittant l'ombre protectrice des hauts murs de la citée. Trop de dangers se trouvaient ici pouvant vous happer et vous faucher dans l'ignorance la plus totale.
Bandits et monstres n?attendaient que leur heure, celle de la nuit où Shar la sombre déesse règne, pour sortir de leurs antres et refuges pour se déverser tel un fléau à l?affût de nouvelles victimes.
Deux silhouettes montées se détachaient dans les dernières lueurs de la journée, leurs ombres tremblotantes jouant un drôle de théâtre sur la route rocailleuse quittant la citée.
En tête se trouvait Tatbuyug et chevauchant à une encoudée derrière lui, Ténaris. Aucun lien de subordination réel n'existait entre les deux hommes outre le respect mutuel qu'ils partageaient. Chacun laissant à l'autre le champ libre pour exercer ses compétences à bon escient.
Pourtant ils auraient pu.
Tatbuyug, le survivant, vainqueur de nombreuses batailles et escarmouches, guerrier reconnu des siens qui par sa maitrise des armes auraient pu faire plier plus d'un homme à sa volonté.
D'un autre, Ténaris, fils d'un chef de guerre craint des siens et de ses ennemis, promut à une grand avenir parmi les siens, élevé et éduqué pour diriger.
Pourtant l'un et l'autre n'essayèrent jamais de faire plier l'autre devant ses avantages.
Peut être au déplaisir de certains.
Bien souvent Ténaris s'était laissé à penser qu'il n'avait pas l'étoffe pour devenir le chef incontesté que ses pères voyaient en lui. Non par faiblesse ou couardise, mais Ténaris savait au fond de lui que les dieux lui avaient choisi un destin tout autre. Plus d'une fois il avait cru lire au fond des yeux de son aîné, Tatbuyug, un éclair de déception comme s'il attendait quelque chose de plus de lui.
Et Ténaris savait exactement quoi.
Qu'il s'affirme face à lui, lui imposant ses idées et sa vision du monde dans une diatribe enflammée se libérant des fers de son enfance pour rentrer dans le monde des hommes. Indubitablement il s'en serait déroulé un combat entre les deux guerriers, au premier comme au dernier sang, car ce genre de leçon ne s'apprend que de cette façon. Tatbuyug se serait lancé dans la bataille avec toute la fureur du lion, cherchant la victoire mais espérant la défaite. Car sa défaite aurait été sa plus grande victoire celle de la naissance d'un nouveau chef d'une envergure supérieur au précédent, le jeune lion chassant le vieux mâle affaiblit, lui indiquant que l'avenir de la tribu serait sauvegardé pour une génération de plus.
Au combien Ténaris avait vu cette lueur dans le regard de Tatbuyug. Mais il ne s'étaient jamais résolu à cela. Il savait leur compétence martiale quasi égale, bien que le vieux guerrier le dépassait encore un peu, l'expérience de l'âge assurément mais seule son ingéniosité aurait pu le sauver dans un combat à mort contre Ténaris. Car lui avait reçu non seulement l'enseignement des chamans de la tribu, lui offrant le pouvoir du monde des esprits mais qui plus est Nobanion, le Seigneur Rugissant, lui avait fait la grâce de lui apporter son soutien. Mais comme à son habitude, Ténaris n'auraient pu se résoudre à faire appel à cette force cachée pour venir à bout du vieux guerrier. Les armes seules devraient parler.
Honneur de gagner par les armes ou folie de combattre amputer d'une part de soi. Car une des premières leçon que nous apprend le Shaar est qu'il ne nous fera jamais de cadeau, lui n'hésitera jamais à lancer toute sa sauvagerie contre vous. Alors pourquoi retenir ses coups ?
Il ne pourrait jamais contenter tout le monde. Là était son point faible. Il aimait les hommes, il voulait les voir libre et heureux. Il savait que la liberté s'arrache par les armes, mais il voulait continuer à croire à la bonté de chacun. Il savait pourtant d'ors et déjà qu'il serait déçu.
Le monde autour de lui avait changé. Son monde. Mais depuis quand ? Depuis son arrivée dans les citées de l'empire, depuis sa rencontre avec ses nouveaux compagnons et les révélations de ce mage farfelu.
Il comprenait la vision du mage, tant soit peu que son histoire de voyage dans le temps soit vrai, mais il ne pouvait se résoudre à penser comme lui. Des évènements terribles se profilaient dans un avenir proche, des hommes de bien seraient amenés à proférer des actes cruels et immoraux pour sauvegarder leur futur.
Ténaris devra lui aussi s'y plier. Lutter contre le feu par le feu. Utiliser les armes de nos ennemis contre eux. Par le passé de nombreuses guerres contre le Mal ont été gagné ainsi, des guerriers saints faisant plier leur ennemis mais y perdant assurément une partie de leur âme.
Sortant de sa rêverie passagère, Ténaris réaffirma sa prise sur ses rênes.
«
Tu penses trop, mon bon Ténaris. Tes rêves ne sauveront personne. Il est temps d'agir et de devenir un homme. »
Ténaris stoppa sa monture quelques instants à peine après leur sortie de Shanagate. Guidant de ses genoux sa monture jusqu'au prêt de Tatbuyug surpris et énervé, lui aussi ayant marqué l'arrêt.
«
Ne pas le tuer... ne pas le tuer...
Je te souhaite d'avoir raison mage car ta vie en dépend.
Nobanion guide mon poing »
Sautant de sa monture, Ténaris se jeta sur Tatbuyug...
Derni?re modification le 21-04-2012 ? 12:16:47